A la question : "qu'est-ce que les mathématiques"
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Finalement nous fîmes appel au concours d'un professeur de philosophie.
Pour lui le savoir se divisait en trois grandes catégories :
- le savoir pratique qui est le guide de l'action : éthique, morale...
- le savoir technique qui est le guide du « faire ». Il s'agit du « savoir-faire » dont les réformateurs nous rebattent les oreilles, sans oser lui donner son vrai nom, le mot « technique » risquant d'effaroucher...
- le savoir spéculatif, qui a pour objet la connaissance de la vérité.
Le savoir spéculatif se décompose lui-même en trois parties, correspondant à trois degrés d'abstraction, attachés à trois niveaux d'immatérialité croissante :
Premier niveau : L'objet sur lequel porte l'abstraction est le plus matériel possible ; il est la nature, le domaine sensible. Ce niveau d'abstraction est celui de la vérification expérimentale, c'est à dire celui de la physique.
Deuxième niveau : L'objet sur lequel porte l'abstraction n'est plus matériel. Il est l'imaginable qui ne pourrait néanmoins exister sans matière, mais qui peut être conçu par l'esprit sans la matière. C'est le niveau d'abstraction des mathématiques. Ainsi la courbure n'est pas matérielle, ne pourrait exister sans matière, mais peut être conçue par l'esprit sans la matière sensible.
Troisième niveau : L'objet sur lequel porte l'abstraction existe ou peut exister sans matière. Il est l'intelligible. C'est le niveau d'abstraction de la Métaphysique. Les êtres sur lesquels ce savoir porte ne sont pas des êtres physiques, ni des êtres mathématiques, ce sont Dieu, la substance, la qualité, la beauté, l'acte, la puissance...
Au cours de nos discussions ce professeur devait nous citer un extrait de « La Métaphysique » d'Aristote, livre K (XI, chapitre 3) : « Le mathématicien fait porter son étude sur des abstractions. Il considère son objet en faisant abstraction de tous ses caractères sensibles, tels que la pesanteur et la légèreté, la dureté et son contraire, ainsi que la chaleur et le froid et tous les autres couples de contraires d'ordre sensible, il conserve seulement la quantité, et le continu à une, à deux ou à trois dimensions, avec les attributs de ces objets en tant qu'ils sont affectés de quantité et de continu ; il ne les étudie pas sous d'autres rapports. De certains de ces objets, il considère les positions relatives et les déterminations de ces positions ; pour d'autres, il examine les rapports de commensurabilité et de l'incommensurabilité ; pour d'autres enfin, les proportions. »
Après maints débats, nous arrivâmes à élaborer une définition : « Les mathématiques sont les sciences ayant pour objet l'étude des formes, du point de vue de la quantité » ou bien : « Les mathématiques sont la Science des formes, sous le rapport de la quantité ».
Cette définition fut retenue principalement en raison de son caractère opératoire, et nous fîmes sur le champ un tableau de formes imaginables, afin de vérifier que notre définition permettait bien de les classer en sciences mathématiques ou non.
2 + 2 = 5, p. 220