SERAPIS (à relier à Seraphin et Sera - voir les articles), dieu égyptien, qu'on prenait quelquefois pour Jupiter et pour le Soleil : Zeus Sérapis se trouve souvent sur les anciens monuments. On le voit aussi avec les trois noms de Jupiter, du Soleil et de Sérapis. On le prenait encore pour Pluton; c'est pour cela qu'il est quelquefois représenté accompagné de Cerbère. Le culte de ce dieu avait été porté en Egypte par les Grecs, car les anciens monuments purement égyptiens, comme la table isiaque, qui comprend toute la théogonie des Egyptiens, ne donnent aucune figure de Sérapis ; on n'y en trouve pas la moindre trace. Voici comme saint Augustin rapporte, d'après Varron, l'origine de ce dieu : « En ce temps-là, dit-il, c'est-il-dire au temps des patriarches Jacob et Joseph, Apis, roi des Argiens, aborda en Egypte avec une flotte; il y mourut, et fut établi le plus grand dieu des Egyptiens, sous le nom de Sérapis. On l'appela ainsi après sa mort, au lieu d'Apis, qui était son véritable nom, parce que le tombeau que nous appelons sarcophage s'appelle en grec sôros ; et comme on l'honora dans le tombeau avant qu'on lui eût bâti un temple, de sôros et d'Apis, on fit d'abord Sérapis, et par le changement d'une lettre, on l'appela Sérapis. »
Sérapis paraît avoir été honoré dans la Cappadoce et l'Asie Mineure, longtemps avant que son culte eût été porté en Egypte. Ptolémée Soter, fils de Lagus, qui prit le titre de roi d'Egypte, vers l'an 306 avant Jésus-Christ, Christ, orna de plusieurs temples magnifiques la ville d'Alexandrie qu'il avait choisie pour la capitale de soi royaume. Entre ces temples, il y en avait un tout éclatant d'or, et qui surpassait tous les autres en magnificence. Comme le roi était en suspens à quel dieu il devait le dédier, un génie d'une beauté ravissante, et d'une taille au-dessus de l'humaine, lui apparut en songe, lui conseilla de faire venir sa statue du Pont, et disparut en s'élevant dans les airs, environné de flammes. Ptolémée raconta sa vision à Timothée; ce savant Athénien, de la race des Eumolpides, dit au roi que, près de Sinope, ville du Pont, était un vieux temple consacré à Jupiter-Plutus, dont la statue était en très grande vénération parmi les habitants de la contrée. Sur cet avis, Ptolémée envoya Timothée en ambassade à Scydrothémis, roi de Sinope, pour le prier, en lui offrant de riches présents, de vouloir bien lui faire don de ce dieu. Scydrothémis mis fit d'abord de grandes difficultés, et retint Timothée à sa cour le plus longtemps qu'il put, en l'amusant de belles promesses. Enfin, au bout de trois ans, le dieu, dit-on, se déclara de lui-même, et se rendit de son temple sur le vaisseau de l'ambassadeur qui, ayant mis à la voile, arriva en trois jours à Alexandrie, la 38e année du règne de Ptolémée. Cette divinité y fut reçue avec toutes les marques possibles de vénération. Le roi qui reconnut en elle le portrait même du génie qui lui était apparu, et qui vit que c'était en même temps l'image d'Apis, dieu honoré en Egypte, la fit placer à l'instant dans le temple qu'il lui avait destiné. Ce temple était dans le quartier de Rhacotis, hors des murs de la ville, et à l'endroit même où il y avait eu autrefois une chapelle et un oratoire dédiés à Osiris et à Isis. Comme cette statue était accompagnée de Jupiter et du dragon, les prêtres jugèrent que ce dieu était le même qu'Osiris, roi de l'Amenthi ou enfer, ou Osiris sous la forme d'Apis; mais peu à peu le peuple s'accoutuma à voir en lui un dieu distinct et particulier, qu'il honora sous le nom de Sérapis.
Il y avait encore en Egypte plusieurs autres temples consacrés à ce dieu, ou plutôt à Apis, sous le nom de Sérapis; le plus renommé était à Canope, et le plus ancien à Memphis. Il n'était pas permis aux étrangers d'entrer dans celui-ci ; les prêtres eux-mêmes n'avaient ce droit qu'après avoir enterré le bœuf Apis. Dans celui de Canope, il y avait à l'orient une petite fenêtre par où entrait à certains jours un rayon du soleil qui allait donner sur la bouche du dieu. En même temps, on apportait un simulacre de cet astre, qui était de fer, et qui attiré, dit-on, par un aimant caché dans la voûte, s'élevait vers Sérapis, comme pour saluer ce dieu.
Le symbole ordinaire de Sérapis est une espèce de panier ou de boisseau, appelé en latin calathus, qu'il porte sur la tête, pour signifier l'abondance que ce dieu, pris pour le soleil, apporte à tous les hommes. On représente Sérapis barbu, et au boisseau près, il a partout presque la même forme que Jupiter; aussi est-il pris souvent pour ce dieu dans les inscriptions. Lorsqu'il est Pluton ou Osiris aux enfers, il tient à la main une pique ou un sceptre, et il a à ses pieds le Cerbère, chien à trois têtes. A Antéople, on le représentait avec le modius sur la tête, une haste à la main droite, et sur la gauche un crocodile. Une médaille d'Alexandrie a d'un côté une tète avec un boisseau ou une corbeille, et l'inscription, Au saint dieu Sérapis; de l'autre elle représente un vieillard portant sur la tête un boisseau, tenant d'une main une branche de jonc appelé le sari en égyptien, et de l'autre une corne d'abondance. Quelquefois il avait la main droite appuyée sur la tête d'un serpent entortillé, autour d'un animal à trois têtes, une de lion au milieu, une de chien à droite, et une de chakal à gauche. Son corps est enveloppé de longs tissus en forme de gaine ou de robe collante.
L'emblème du serpent contribua sans doute à le faire confondre avec Esculape par les Grecs, qui le considéraient comme un des dieux de la santé. En effet, on cite de lui plusieurs guérisons miraculeuses. Un nommé Chryserme, qui avait bu du sang de taureau, et qui était près de mourir, fut guéri par Sérapis. Batylis de Crète, phthisique, et aux portes de la mort, reçut ordre de Sérapis de manger de la chair d'âne; il le fit, et se trouva bientôt hors de danger. D'autres relations de cette nature semblent prouver que Sérapis était ordinairement invoqué pour la santé et particulièrement dans les maladies aiguës. Marc Aurèle, tourmenté d'un mal qui le conduisait au tombeau, fit un voyage à Périnthe, ville de Thrace, où Sérapis avait un temple célèbre, et il y recouvra la santé. Cet événement est rappelé sur une médaille frappée par les Périnthiens, où l'on voit la tête de l'empereur, et sur le revers, celle de Sérapis. Ce fut aussi pour lui demander la santé de son fils Apellide, que la fille de Crisias dédia à ce dieu, dans le temple qu'il avait à Canope, une lampe curieuse, où l'ouvrier avait placé autant de lumignons que l'année contient de jours. Athénée nous apprend que cette lampe fut ensuite transportée dans le temple de Jupiter Dionysius, à Tarente. Il n'est donc pas étonnant que les temples de ce lieu fussent le but de pèlerinages fort suivis. « Vers le temps de certaines fêtes, dit Strabon, on ne saurait croire la multitude de gens qui descendent sur un canal d'Alexandrie à Canope, où est le temple. Jour et nuit, ce ne sont, que bateaux pleins d'hommes et de femmes qui chantent et qui dansent avec toute la liberté imaginable. A Canope, il y a sur le canal une infinité d'hôtelleries qui servent à retirer ces voyageurs, et à favoriser leurs divertissements. »
Ce temple de Sérapis fut détruit par l'ordre de l'empereur Théodose, vers l'an 392; on découvrit alors toutes les fourberies des prêtres de ce dieu, qui avaient pratiqué un grand nombre de chemins couverts et disposé une infinité de machines pour tromper les peuples par la vue des faux prodiges qu'ils faisaient paraître de temps en temps. Le sophiste Eunapius, qui était païen, vit avec un grand regret la ruine de ce temple fameux, car ce fut pour lui l'occasion d'exhaler sa bile avec beaucoup d'acrimonie. Il dit que des gens tout à fait étrangers à l'art de la guerre, se trouvèrent pourtant fort vaillants contre les pierres de ce temple, et principalement coure les riches offrandes dont il était plein ; que dans le même lieu, on logea des moines, gens infâmes et inutiles, qui, pourvu qu'ils eussent un habit noir et malpropre, prenaient une autorité tyrannique sur l'esprit des peuples; et que ces moines, au lieu des dieux, que l'on voyait par les lumières de la raison, donnaient à adorer des têtes de brigands punis pour leurs crimes, qu'on avait salées pour les conserver. C'est ainsi qu'il traitait les moines et les reliques.
Il parait que Sérapis avait un oracle fameux à Babylone, où il rendait ses réponses en songe. Pendant la dernière maladie d'Alexandre, les principaux chefs de son armée allèrent passer une nuit dans le temple de Sérapis pour consulter la divinité, et savoir d'elle s'il serait plus avantageux de transporter Alexandre dans le temple; il leur fut répondu en songe qu'il valait mieux ne le point transporter. Alexandre mourut peu de temps après.
Les Grecs et les Romains honorèrent aussi Sérapis, et lui consacrèrent des temples. Il y en avait à Athènes et dans plusieurs villes de la Grèce. Les Romains lui en élevèrent un dans le cirque de Flaminius, et instituèrent des fêtes en son honneur. Une multitude presque innombrable fréquentait le temple de ce dieu; des jeunes gens, entre autres, y couraient en foule pour obtenir de lui, comme une faveur signalée, qu'il leur fit trouver des personnes faciles qui eussent la complaisance de se livrer à leurs passions. Un nombre presque infini de malades et d'infirmes allaient lui demander leur guérison, ou plutôt se persuader qu'ils l'avaient reçue. Enfin, les maux qu'occasionna le culte de Sérapis obligèrent le sénat de l'abolir dans Rome. On dit qu'a la porte des temples de ce dieu, il y avait une figure d'homme qui mettait le doigt sur la bouche comme pour recommander le silence. On explique cette coutume par une loi reçue en Egypte, qui défendait, sous peine de la vie, de dire que Sérapis avait été un homme mortel.
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