ELECTION.
Dans "les premiers siècles de l'Eglise on ne conférait, en général, la consécration épiscopale qu'à ceux qui avaient été élus par les suffrages réunis du clergé et du peuple chrétien. Saint Cyprien parle de cet usage comme étant de tradition apostolique. « Il faut observer avec exactitude, dit-il , ce que nous avons appris de la tradition divine et apostolique, et ce qui s'observe aussi chez nous et dans presque toutes les provinces , savoir, que pour célébrer les ordinations d'une manière convenable, tous les évêques de la province se rendent au lieu où il faut ordonner un pasteur, et que là il soit élu en présence du peuple qui connaît parfaitement la vie de chacun, l'ayant vu longtemps et ayant été témoin de sa conduite. »
Ce fut conformément à cette règle que saint Corneille fut élu évêque de Rome, comme le témoigne le même saint Cyprien , par le suffrage du clergé et du peuple, clericorum plebisque suffragio (Ep. 41 et 42), ou, comme il le dit dans sa lettre 67, par le suffrage du clergé, en présence du peuple, eligente clero, praesente populo. Ce genre d'élection avait lieu fréquemment pour l'ordination des prêtres et même des diacres. Il a lieu encore en plusieurs contrées pour la promotion des évêques et pour la nomination des abbés. Mais, dans un grand nombre d'Etats de la chrétienté, la nomination à la dignité pontificale a été laissée, soit au pape seul, soit au clergé ou au chapitre, soit même au prince temporel, sauf toutefois l'approbation du Saint-Siège.
La promotion du souverain pontife a lieu encore par élection; mais on sait que, depuis bien des siècles déjà, cette élection est dévolue aux cardinaux, sans que le peuple romain n'y ait aucune part. S'il y a eu changement, on ne peut s'empêcher de convenir que ce changement ait été un progrès ; car, lorsque les empereurs furent devenus chrétiens, ils ne tardèrent pas à vouloir disposer de l'élection, et l'on ne put créer de souverain pontife qu'avec leur agrément. De là des luttes incessantes entre ceux qui se regardaient comme souverains de droit de la ville de Rome, et ceux qui étaient de fait maîtres du territoire. Alors l'élection des papes était à la merci, tantôt des empereurs d'Orient, tantôt de ceux d'Occident, tantôt des exarques de Itavenne ; ce qui occasionna plusieurs fois de vives et sanglantes querelles, des factions, des schismes, etc.
Enfin, c'est vers le XIème ou le XIIème siècle que l'élection par les seuls cardinaux passa en coutume et en force de loi ; et si, pendant plusieurs siècles encore, on vit des abus et des schismes, c'est que les princes d'Occident trouvèrent encore moyen d'influencer ces élections. Et on a pu remarquer que moins les princes temporels se sont mêlés de l'élection du souverain pontife, plus le choix des cardinaux a été avantageux à l'Eglise.
On regarde Célestin II comme le premier pape qui ait été élu (en 1143) par les seuls cardinaux, sans la participation du peuple romain et des ministres de l'empereur. Le pape Honoré III, élu en 1216, ordonna que l'élection du pape aurait lieu dans un conclave. Innocent III, et après lui Grégoire X, qui régnait en 1271, réglèrent la forme et les lois de l'élection. Il y a trois manières différentes d'élire un pape, à savoir, par scrutin, par compromis et par inspiration.
Voyez ces trois articles et celui de Conclave.