Normalement, notre conscience tient sous son contrôle les réflexes conditionnés et jouit du pouvoir de les empêcher s'ils ne correspondent pas à l'ensemble des tendances qui forment notre personnalité. Pour que la suggestion l'emporte il faut, ou que notre conscience soit diminuée transitoirement ce qui rend la réflexion lente, difficile et courte, et nous place dans une situation comparable à celle de l'hystérique. Dans d'autres cas, la suggestion survient quand une idée se présente à un moment où la réflexion ne pouvait pas se produire ou qu'elle s'impose trop rapidement. Enfin, elle peut aussi survenir quand l'idée est maintenue assez longtemps dans l'esprit pour que la tendance à la réflexion soit épuisée avant de pouvoir arriver à une conclusion. La suggestion, d'après Janet, est une croyance impulsion, une tendance qui au lieu de rester au stade de la pensée se réalise immédiatement et complètement, ou ce qui revient au même l'assentiment immédiat ou enfin le monoïdéisme par faiblesse. » La suggestion, croyance immédiate qui s'oppose à la croyance réfléchie est un stade psychologique inférieur caractérisant l'ignorance, pensée de l'enfant, du non civilisé ou du débile mental.
Sans doute cette croyance immédiate présente des dangers puisqu'elle peut facilement être fausse et même absurde, mais... c'est une croyance puissante. Elle est même plus puissante que la croyance réfléchie, car elle ne comporte pas cette part d'arrêt et de doute que la réflexion apporte. » Il y a des esprits prédisposés dès la naissance à la crédulité. La suggestion comporte un aspect négatif, l'inhibition de la conscience critique par sa force, son contenu affectif ou sa monotonie et un aspect positif, une tendance pouvant être activée ou libérée par la suggestion.
La division entre sujets préparés à croire tout ce qu'on leur dit et sujets qui n'admettent rien sans preuves recouvre la distinction observée par Pavlov sur l'animal entre les chiens serviles aptes à toutes les expérimentations et affolés par le milieu extérieur et les chiens indépendants et libres qui n'acceptent pas qu'on s'oppose à leur liberté.
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Point n'est besoin de la narcose ou de la chirurgie , pour faire de l'homme un automate, il suffit de le plonger au milieu de ses semblables, de le noyer dans une foule. Succédant aux hommes d'Etat et aux écrivains, les psychologues se sont penchés sur l'âme des foules (Lebon, Tarde, Rossi), et ont reconnu que la psychologie individuelle y est totalement noyée. Ce sont les rapports sociaux qui ont été pour beaucoup dans le développement de la pensée humaine basée sur le langage, mais des rapports conçus dans une société organisée. Dans la foule, la raison de chacun disparaît avec la conscience, tous deviennent semblables à l'hypnotisé, réclamant l'hypnotiseur qui est ici le chef, le meneur. Au lieu de la réflexion, on assiste au déchaînement des instincts primitifs et des émotions élémentaires (peur, colère, enthousiasme). L'individu se sent à la fois irresponsable et puissant, entraîné à faire des actes qu'il réprouverait rait normalement, soit une modification plus profonde encore de la conduite que dans l'hypnose.
Dans la foule le facteur prépondérant est l'imitation comme chez les hystériques. D'après Mac Dougall l'expression des émotions de chacun se renforce mutuellement et inhibe tout le reste de la personnalité. L'individualisme n'empêche pas la formation des foules si les individus se ressemblent, manquent d'esprit critique et ont des sentiments violents. Il passe sur les foules des paniques, sorte d'hystérie collective qui augmente avec tout ce qui diminue la conscience des individus : sous-alimentation, alcool. Le rôle de certains usages comme les musiques, les danses avec gestes stéréotypés comme dans les peuplades africaines contribuent à créer une véritable hypnose dont l'équivalent s'est vu dans les immenses assemblées de Nuremberg. Alphandéry rapporte des effets inattendus d'éloquence religieuse : un prédicateur évoquant le jugement dernier devant des marins décrit si bien la tempête que tous se précipitent à leur barque.