La poésie qui n'accepte pas le monde tel que Dieu l'a fait, et qui cherche à en inventer un autre, n'est que le délire des esprits des ténèbres : c'est celle-là qui aime le mystère et qui nie les progrès de l'intelligence humaine. A celle-là donc les enchantements de l'ignorance et les faux miracies de la théurgie ! A celle-là le despotisme de la matière et les caprices des passions !
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Si Apollonius avait dit à ses disciples en leur donnant une coupe pleine de vin : Voici mon sang que vous boirez à jamais pour perpétuer ma vie en vous et si ses disciples avaient pendant des siècles cru continuer cette transformation en répétant les mêmes paroles, et pris le vin, malgré son odeur et sa saveur, pour le sang réel, humain et vivant d'Apollonius, il faudrait reconnaître ce maître en théurgie pour le plus habile des fascinateurs et le plus puissant de tous les mages.
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Les anciens leur donnaient différents noms. C'étaient les larves, les lémures, les empuses. Ils aimaient la vapeur du sang répandu, et fuyaient le tranchant du glaive.
La théurgie les évoquait, et la kabbale les connaissait sous le nom d'esprits élémentaires. Ce n'étaient pourtant pas des esprits, car ils étaient mortels.
C'étaient des coagulations fluidiques qu'on pouvait détruire en les divisant. C'étaient des espèces de mirages animés, des émanations imparfaites de la vie humaine : les traditions de la magie noire les font naître du célibat d'Adam.
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Les mystères de l'ancien monde étaient de deux sortes. Les petits mystères concernaient l'initiation au sacerdoce; les grands étaient l'initiation au grand oeuvre sacerdotal, c'est-à-dire à la théurgie.
La théurgie, mot terrible, mot à double sens, qui veut dire création de Dieu. Oui, dans la théurgie on apprenait au prêtre comment il doit créer les dieux à son image et à sa ressemblance, en les tirant de Sa propre chair et en les animant de son propre sang. C'était la science des évocations par le glaive et la théorie des fantômes sanglants.
C'est là que l'initié devait tuer l'initiateur; c'est là qu'OEdipe devenait roi de Thèbes en donnant la mort à Laïus. Nous tâcherons d'expliquer ce que ces expressions allégoriques ont d'obscur.
Ce qu'on peut entrevoir déjà, c'est qu'il n'y avait pas d'initiation aux grands mystères sans effusion de sang, et sans l'effusion du sang même le plus noble et le plus pur.
Dogme et rituel de Haute magie
Abordons maintenant aux dangereux rivages de la Magie toute encerclée de ténèbres. Touchons aux conversations avec l'autre monde, au contact avec l'invisible, à la théurgie, en un mot, et à l'évocation des esprits.
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La Théurgie est un rêve, poussé jusqu'au réalisme le plus terrifiant chez un homme qui se croit éveillé. On y parvient en affaiblissant et en surexcitant tout à la fois le cerveau par des jeûnes, des méditations et des veillées. L'ascétisme est le père des cauchemars et le créateur des démons les plus informes et grotesques.
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Les oeuvres de la Magie sont la divination ou prescience, la Thaumaturgie ou emploi de pouvoirs exceptionnels, et la Théurgie ou pouvoir sur les visions et les esprits.
Les paradoxes de la haute science
Qu’on ne nous dise plus que notre grand apôtre saint Jean a emprunté à la philosophie de Platon le début de son évangile. C’est Platon, au contraire, qui avait puisé aux mêmes sources que saint Jean ; mais il n’avait pas reçu l’esprit qui vivifie. La philosophie du plus grand des révélateurs humains pouvait aspirer au verbe fait homme : l’Évangile seul pouvait le donner au monde.
La kabbale enseignée aux Grecs par Platon prit plus tard le nom de théosophie et embrassa dans la suite le dogme magique tout entier. Ce fut à cet ensemble de doctrine occulte que se rattachèrent successivement toutes les découvertes des chercheurs.
On voulut passer de la théorie à la pratique et réaliser la parole par les œuvres ; les dangereuses expériences de la divination apprirent à la science comment on peut se passer du sacerdoce, le sanctuaire était trahi et des hommes sans mission osaient faire parler les dieux. C’est pour cela que la théurgie partagea les anathèmes de la magie noire et fut soupçonnée d’en imiter les crimes, parce qu’elle ne pouvait se défendre d’en partager l’impiété. On ne soulève pas impunément le voile d’Isis, et la curiosité est un blasphème contre la foi, lorsqu’il s’agit des choses divines. « Heureux ceux qui croiront sans avoir vu, nous a dit le grand révélateur. »
Les expériences de la théurgie et de la nécromancie sont toujours funestes à ceux qui s’y abandonnent. Lorsqu’on a une fois mis le pied sur le seuil de l’autre monde, il faut mourir et presque toujours d’une manière étrange et terrible. Le vertige commence, la catalepsie et la folie achèvent. Il est certain qu’en présence de certaines personnes et après une série d’actes enivrants, une perturbation se fait dans l’atmosphère, les boiseries craquent, les portes tremblent et gémissent. Des signes bizarres et quelquefois sanglants semblent s’imprimer d’eux-mêmes sur du parchemin vierge ou sur des linges. Ces signes sont toujours les mêmes et les magistes les classifient sous le nom d’écritures diaboliques. La seule vue de ces caractères fait retomber les crisiaques en convulsion ou en extase ; ils croient alors voir les esprits, et Satan, c’est-à-dire le génie de l’erreur, se transfigure pour eux en ange de lumière. Ces prétendus esprits demandent pour se montrer des excitations sympathiques produites par le rapprochement des sexes, il faut mettre les mains dans les mains, les pieds sur les pieds, il faut se souffler au visage, et souvent suivent des extases obscènes.
Les initiés se passionnent pour ce genre d’ivresse, ils se croient les élus de Dieu et les interprètes du ciel, ils traitent de fanatisme l’obéissance à la hiérarchie. Ce sont les successeurs de la race caïnique de l’Inde. Ce sont des hatchichims et des faquirs. Les avertissements ne les éclaireront pas et ils périront parce qu’ils ont voulu périr.
Histoire de la magie