Jésus existe, je l'ai rencontré ! Il vit actuellement dans un modeste pavillon du quartier de la Jonelière, dont les volets sont enfin ouverts. L'intérieur est simple et coquet, livres bien rangés dans la bibliothèque, croix de pierre sur la cheminée. Arnaud Mussy le "gourou" de Néo Phare, la secte qui défraie la chronique est là au milieu de ses adeptes : son frère Olivier, sa belle mère Véronique, et trois autres rescapés Dominique 34 ans, ancien serveur, venu de Belgique, Frédéric 34 ans, prof de sport et Lionel 28 ans, arrivé en janvier de Paris. C'est tout. Les autres sont partis. «Je suis Jésus, et alors ?» Toujours un visage de jeune homme de bonne famille et apparemment calme, mais les traits tirés, Arnaud Mussy, 36 ans en octobre, affronte la déferlante médiatique. «Je suis Jésus, oui. Et alors ? J'assume, au risque de passer pour un zozo. Mais vous savez, Jésus, il y a deux mille ans, il était comme n'importe qui.» La révélation lui est venue lors d'un week-end chez un particulier à Vézelay, haut lieu spirituel de Bourgogne. «À un moment, dans la crypte sous la maison, j'ai été comme poussé à mettre un genou à terre, puis à me prosterner la tête au sol.» Une nouvelle adepte en pleine vision (un "canal"), Joséphine, en lien avec l'âme de Bouguenec, lui annonce alors qu'il est Jésus. Pas plus surpris que cela, Arnaud Mussy. «Non je le ressens ainsi. Je croyais auparavant que j'étais l'apôtre Jacques»... «Mais l'important c'est le message, relativise t-il. Et puis j'ai toujours un doute au fond de moi», souligne t-il, modeste.. . et habile. Le plus curieux dans ce retour de Jésus, c'est que le gourou de Néo Phare affirme par ailleurs ne pas croire à la réincarnation (contrairement à Bouguenec et les actuels adeptes de Phare Ouest). «Mais je ne suis pas un gourou, les gens sont libres, ou bien je suis très mauvais puisque le groupe est passé de 20 à 6 personnes.» Les projecteurs se sont tournés vers le petit groupe après le suicide d'un adepte qui s'est jeté sous les roues d'une voiture à Brain-sur-l'Authion en Maine-et-Loire le 14 juillet dernier. «Il avait déjà fait une tentative le 16 juin, confie Arnaud Mussy. Après un entretien psychologique, le CHU l'a laissé ressortir et il est revenu vers nous au Cellier.» Drame suivi le lendemain et le surlendemain par deux tentatives de suicide d'une femme, puis de son mari du haut d'une tour, près du Château de Clermont, au Cellier. Tentatives que met en doute Arnaud Mussy. Les enquêteurs attestent un état de démence de la femme et le fait qu'elle n'ait pas sauté de la tour. Son mari aurait consommé des médicaments et ne serait pas allé non plus jusqu'à sauter. Même si le saut n'a pas été accompli, leurs attitudes sont cependant suicidaires. «Ça nous est tombé dessus, d'un coup, déplore Arnaud Mussy. Je sais que les statistiques sur un groupe d'une dizaine de personnes ne plaident pas en notre faveur, mais que voulez-vous, quand vous adhérez à un groupe de réflexion métaphysique, il arrive que vous parveniez à des remises en question. Peut être que Jérémy avait une fêlure. Nous regrettons de ne pas avoir vu plus tôt les signes avant coureurs.» Il le connaissait pourtant depuis cinq ans. Mais pas question pour lui de remettre le contenu du message en cause, ni son attitude. Le fait d'avoir reformé les couples par "âmes soeurs" n'a t-il pas perturbé Jérémy, d'autant que sa femme, Nathalie, plutôt jolie, est tombée alors enceinte d'Olivier, le frère d'Arnaud ? «Pas du tout, on les a revus après, tout semblait aller très bien.» Il semble toutefois que Jérémy était quelqu'un de fragile et que son rôle, plutôt mineur dans la secte, était celui du "bouffon de Dieu". Et il n'aurait pas reçu d'âme soeur. «Oui nous croyons que nous avons des âmes soeurs. Mais ce ne sont pas des histoires de coucheries. D'ailleurs, tous n'ont pas consommés. Et la plupart sont restés avec leur conjoint. Chacun est libre.» Et tous autour d'acquiescer, en particulier sa belle-mère, en attestant des qualités de coeur éminentes d'Arnaud. Cela dit, si les volets de la maison de la Jonelière étaient fermés, c'était bien par crainte des réactions et des menaces de certains. «Mais tout l'été nous sommes sortis régulièrement, à Batz-sur-Mer notamment. Nous nous sommes baignés, nous avons dîné au restaurant. Et ici nous allons normalement faire nos courses au Super U». Le groupe vit des «8 à 9.000 francs par mois» que verse une SCI léguée par le père d'Arnaud et Olivier et de la retraite de la belle-mère, propriétaire de la maison de la Jonelière et d'un appartement en ville. Tandis que Frédéric touchait son salaire de professeur de sport dans l'Education nationale jusqu'à sa mise en disponibilité au mois d'août.

Déçu de l'Eglise

Nés à Boulogne-Billancourt, Arnaud et Olivier Mussy voient leurs parents divorcer quand ils ont 5 ans, leur mère décéder quand ils en ont onze, puis leur père, alors remarié, quand ils en ont 20. «Une famille bourgeoise sans plus». Ils vont à la messe le dimanche, «mais je n'ai pas trouvé ce que je cherchais dans la religion.» Arnaud Mussy court le monde, l'Amérique du sud notamment. Il épouse une Argentine, Anna-Maria dont il divorce après son retour en France. Il aurait travaillé dans la communication, puis à Cedegraph à Nantes. «C'est à Buenos Aires que j'ai lu un livre d'André Bouquenec. Un coup de coeur ! Comme si quelque chose se dévoilait en moi. Il m'a totalement séduit par son approche des mystères de l'homme. Je lui ai écrit. Je suis venu le voir à Nantes. Nous avons établi une relation de père à fils.» Arnaud fréquente assidûment l'association Phare-Ouest créée à Nantes par les amis de Bouguenec, qui fut et demeure pour beaucoup un véritable gourou intellectuel, armé d'une forte culture, d'une grande maîtrise des mots et de la numérologie. Un petit groupe qui se retrouve deux fois par mois pour des conférences spirituelles ou culturelles, ou des cafés philo. «Je me réclame à 100 % d'André Bouguenec», insiste Arnaud Mussy. Une filiation que les anciens de Phare-Ouest estiment très usurpée (lire par ailleurs). Arnaud Mussy fait sécession début 2001 pour créer Néo-Phare.

Prophéties pour bientôt... ou plus tard

De fait, comme Bouguenec et comme tous les gourous, Arnaud Mussy prophétise des échéances proches, bien qu'il évite désormais de prédire des dates. Selon lui, le Vatican cache le 3 e secret de Fatima, parce qu'il serait «gêné de voir qu'il annonce le retour du propriétaire» : Jésus (des prouesses de calculette doivent démontrer tout ça irréfutablement...). En 1998, Mussy annonce qu'il va se produire en 2001 un événement considérable : l'éradication du mal. Une erreur ? «Pas du tout», réplique Arnaud Mussy, après avoir mis la prophétie sur le dos de Bouguenec : «En 2001 nous avons créé Néo Phare. C'est le début d'une grossesse qui aboutira au nouveau monde.» Et le 24 février 2002, c'était une panne de calculette ? «Non, après ce que nous avions vécu à Vézelay, qui nous avait bouleversés, c'était de l'immaturité.» On glisse sur le mois de juin dernier qui devait lui aussi être un moment fatidique. Arnaud Mussy est devenu, sinon mûr, en tout cas prudent. Il nie avoir jamais avancé la date du 24 octobre (mort de Bouguenec), évoque timidement des temps proches, la fin de l'année peut être. Mais cette fois c'est la bonne. Pas question de "fin du monde", mais de "la fin d'un monde". «Le mal éradiqué, le monde sera comme s'il passait du noir et blanc à la couleur. Les désastres écologiques seront supprimés.» Pour cela, il faudra passer par une planète d'évolution. «Mais n'écrivez pas que nous allons vers Vénus ! C'est sur terre que doit venir un paradis terrestre. En tout cas, ce qui est sûr, c'est que le monde va dans le mur s'il continue comme ça.» Quant aux exxtra-terrestres, oui, ils y croient; ils pensent les rencontrer dans le nouveau monde. Mais pas question de se suicider affirme le jeune gourou. «Nous ne sommes pas suicidaires, parce que ça ne mène à rien.» Une attitude que confirment les policiers locaux. «Et puis, si rien ne se passe, tant pis. Nous aurons au moins vécu une belle fraternité entre nous.»

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