Académie métaphysique

 

Paroles

 

Accueil > Classement thématique > Société, social > Violence > Guerre(s) / Conflit(s)

Tous les thèmes

 

 

« Le "Jugement Dernier", ne peut, ne pourra se faire, QUE sur les paroles dites en tous les temps par les hommes et les responsables des diffusions qui ont conditionné le monde, au TEST du Testament du Christ qui l'a ré-digé au commencement pour qu'en Fin il s'ouvrit et con-Fonde toute la Dispersion, cette "Diaspora" "tra-issante" ou trahissante à travers l'Ordre Divin de Rassemblement. Qui, quelle religion, quelle académie, quelle initiation, s'est voulue assez large de coeur et d'esprit pour rassembler toutes les brebis égarées de la Maison d'Israël, c'est-à-dire, non pas le pays des juifs, mais la Maison de Dieu qu'est le Verbe par TOUT : IS-RA-EL : "l'Intelligence-Royale-de Dieu", contre laquelle l'homme doit "lutter", "l'emporter" (de la racine hébraïque sârôh), ce qu'est en vérité l'antique Iswara-El, cette "Agartha" invisible, enfouie dans les profondeurs de la "Terre", c'est-à-dire de l'Homme, dans ses ténèbres. »

André Bouguénec, Entretien avec l'homme, article Qui est Judas ?

 

 

 

L'unité des valeurs - Raymond Ruyer

Unité des valeurs.

- La différenciation progressive des valeurs dans les cultures historiques ne prouve pas à elle seule que les valeurs soient essentiellement incompatibles : la différenciation organique aboutit bien à un organisme harmonieux. Les valeurs diverses peuvent entrer dans un cadre systématique et hiérarchique. Les conflits entre valeurs, les oppositions de normativité, peuvent être interprétés comme non essentiels, comme tenant seulement à l'imperfection des agents. Dans l'ordre des faits sociaux, il est parfaitement possible que le mouvement presque continu d'émancipation et de spécification ne représente après tout qu'une phase, destinée à être suivie d'une phase d'intégration. Elle a déjà commencé dans les rêveries des positivistes du siècle dernier, et dans les Etats totalitaires d'aujourd'hui, qui veulent « réintégrer » la politique, l'économie, la religion, l'art, et même la science.

L'esprit philosophique se résigne difficilement à un pluralisme définitif. Aussi, les tentatives ne manquent pas pour retrouver l'unité sous la diversité. Ces tentatives sont de deux espèces très différentes.


LES DIVERS ORDRES DE VALEURS

a. Ou bien on considère les valeurs telles qu'elles sont saisies aujourd'hui, et l'on prétend montrer qu'elles sont « en réalité » réductibles à une valeur plus fondamentale : plaisir, raison, vertu, utilité, intensité vitale, vie sociale, technique, existence authentique, etc., et que tout ce qui résiste à cette réduction est « fausse » valeur. Nous retrouverons ces théories.

b. Ou bien on reconnaît que, dans l'univers actuel, les contrastes et les conflits sont un fait, mais on tient que cette situation est provisoire, et résulte de notre maladresse. Il est en effet remarquable que les valeurs s'opposent d'autant plus qu'elles sont interprétées d'une façon plus grossière. Ce sont surtout les formes superstitieuses de la religion et les formes dogmatiques de la science qui entrent en conflit ; c'est le cléricalisme, plutôt que l'esprit religieux, qui porte ombrage au pouvoir temporel ; ce sont les formes primitives et grossières de l'industrie qui enlaidissent la vie ; c'est la liberté des égoïsmes qui est antinomique à l'égalité ; c'est le chauvinisme, et non le patriotisme, qui est hostile à l'amour de l'humanité ; ce sont les conventions esthétiques ou les clichés poétiques, plutôt que l'art sincère, qui demandent le sacrifice de la vérité ou de la moralité. Le progrès technique est presque toujours une conciliation de ce qui paraissait inconciliable, un « joint » trouvé.

Les automobiles, aujourd'hui, sont à la fois plus rapides, plus confortables, plus économiques et plus esthétiques que les automobiles d'il y a trente ans. La Suisse et la Suède, aujourd'hui, sont à la fois plus libres, plus égalitaires, plus ordonnées et plus riches que les mêmes Etats il y a un siècle. En s'approfondissant, deux valeurs incompatibles se rapprochent. Il est donc permis de penser qu'en prolongeant les lignes on aboutit à un point de convergence. Et d'autant plus que, souvent, deux valeurs « approfondies », non seulement deviennent conciliables, mais se servent au lieu de se détruire. La réalisation de l'une, au lieu d'exiger le sacrifice de l'autre, demande au contraire la vitalité de l'autre comme auxiliaire indispensable : la vraie religion ne craint pas, mais cherche, au contraire, la vérité scientifique ; la vraie poésie aussi ; la personnalité de l'individu ne s'épanouit que dans une société bien comprise. Les choix abrupts, les « ou bien... ou bien » forcenés, les sacrifices, sanglants ou non, se révèlent le plus souvent des choix et des sacrifices inutiles, ou même dangereux. L'écrivain qui sacrifie tout à son art n'est plus qu'un homme de lettres. L'Etat qui a tout sacrifié à la puissance militaire est surclassé par un Etat où l'industrie restait plus libre. Celui qui a voulu écraser ses adversaires est obligé de les relever lui-même de leurs ruines, pour rétablir un équilibre rompu. Les valeurs qui s'isolent ou se spécialisent, et qui se veulent non seulement spécifiques, mais absolument pures, s'étiolent.

La thèse selon laquelle il existe pour les valeurs un point de conciliation à l'infini n'est donc pas sans attrait.

On ne peut en tout cas l'éliminer par des arguments a priori, comme veut le faire Dupréel, pour lequel la foncière pluralité des valeurs est liée à leur relativité. L'idée d'une valeur unique et homogène est contradictoire, car elle réduirait toutes les autres valeurs à l'état de fausses valeur... arbitrairement, la valeur unique serait absolument indéterminée, tout en étant transformée en chose, en Souverain Bien, ne varietur. La valeur, continue Dupréel, n'est pas chose fongible, et ne donne pas lieu, comme la monnaie, à des opérations quantitatives ; la valeur sacrifiée reste une valeur, et « le roi dont le fils unique est tué en gagnant la bataille qui sauve ses Etats n'est pas comme un commerçant qui, ayant dépensé cent francs pour en gagner mille serait un sot s'il allait regretter le billet qu'il abandonne ». Ces arguments portent contre l'unité, par réduction, mais non contre l'existence d'un point de conciliation, d'une sorte de sommet où toutes les lignes spécifiques et distinctes du système des valeurs se recoupent, comme les arêtes et les faces d'un polyèdre se rencontrent au sommet. Le roi peut à la fois gagner la bataille et garder son fils. Il peut même, s'il a du génie, sauver ses Etats sans bataille ; s'il a plus de génie encore, sauver à la fois ses Etats, ses rivaux, et le monde entier.

Seulement, il faut bien souligner que la thèse de la conciliation ne peut davantage être prouvée a priori. Il est aisé d'en comprendre la raison. Toute conciliation particulière de deux valeurs antagonistes est toujours une trouvaille, une invention, parfois géniale, en tout cas inattendue, étonnante, par définition, puisqu'elle n'était pas encore, et invraisemblable avant d'être réalisée.

De même qu'une invention est essentiellement conciliation toute conciliation est invention. Un conflit non résolu trahit toujours un manque de génie ; la résolution du conflit, quand elle n'est pas due à un compromis provisoire et quantitatif, demande que l'on passe à un plan supérieur. Il est impossible de faire quatre triangles équilatéraux avec six allumettes tant que l'on s'obstine à rester sur la surface de la table et que l'on ne pense pas à la troisième dimension.

Dans son livre sur la pensée productive, Wertheimer prend comme exemple le cas de deux jeunes garçons jouant à badminton (tennis avec volant à plumes). Comme un des joueurs est plus âgé et plus fort que son jeune adversaire, ce dernier, découragé, abandonne le jeu et boude. L'aîné veut pourtant continuer à jouer. Mais comment éviter de décourager et de vexer le cadet ? Les solutions par octroi d'un handicap, ou maladresse volontaire du plus habile, ou changement de jeu, ne seraient pas de vraies solutions. L'aîné propose alors à son camarade de ne plus jouer à celui qui fera plus de points que l'autre, mais à se donner pour but de tenir, à eux deux, le volant en l'air le plus longtemps possible. Cette invention fait disparaître à la fois le conflit entre deux valeurs et le conflit entre deux individus. La « décentration » intellectuelle, qui a permis la résolution, est en même temps une décentration morale.

Croire que tous les conflits de valeurs peuvent être résolus ne peut donc être qu'un acte de foi. Pour prouver la thèse générale, il faudrait trouver soi-même, dans chaque cas particulier, le « joint ». Ce qui est aussi impossible que d'inventer, comme font semblant de le faire les auteurs d'utopies, toute une civilisation nouvelle et parfaite. La thèse de la conciliation est un acte de foi, comme la croyance en Dieu. Et d'ailleurs, c'est la même croyance, car Dieu, c'est essentiellement « toutes les valeurs conciliées ». Sa perfection est la « parfaite conciliation » qualitative, plutôt que l'infini quantitatif des attributs.


Cet acte de foi est légitime, il ne fait que prolonger la ligne naturelle des progrès partiels. D'ailleurs, c'est un fait que des harmonies et conflits apparaissent comme mauvais : l'effort pour la conciliation des valeurs se confond donc avec l'effort vers la valeur en général. Quand on nie la possibilité de l'un, on est bien près de nier la possibilité de l'autre.

C'est par erreur que l'on se défie d'un idéal unitaire, en le confondant avec un idéal totalitaire. Le totalitarisme despotique n'est qu'une prétention à l'unité ; il étouffe les valeurs qu'il se vante d'intégrer. Mais, si l'ordre et l'unité par la police ou la potence sont mauvais, cela ne veut pas dire que l'ordre ou l'unité en eux-mêmes soient mauvais. Si la littérature ou l'art alignés par une dictature et devenus propagande nous choquent, il n'y aurait aucune raison d'être choqué par une culture harmonieuse où l'intelligence se mettrait d'elle-même au service de l'humanité et des autres valeurs. Que le totalitarisme se vante d'avoir réalisé l'unité, cela prouve que l'unité est un idéal naturel de l'esprit. L'esprit en rêve spontanément quand il se détend en imaginant une utopie. Il ne faut pas condamner le bien parce que le mal lui rend un hommage hypocrite. Une politique hypocrite d' « ordre moral » serait odieuse. Mais le règne spontané de l'ordre moral serait admirable.

La loi en la conciliation des valeurs n'oblige pas à nier leur spécificité. L'unité idéale dont l'esprit rêve n'est pas un retour au stade d'indifférenciation primitive. La richesse du monde augmente par la variété des valeurs et des formes. C'est la conception radicalement pluraliste des valeurs qui est intenable comme le polythéisme. Il est difficile de soutenir que le plaisir, la beauté, la vérité, la justice, la puissance, tendent à constituer des mondes séparés, à la manière de Dieux rivaux.