« L'origine du nom de Woden ou Odin se révèle par la racine étymologique de l'anglo-saxon Woodin, qui signifie le féroce ou le furieux. Aussi l'appelle-t-on dans le Nord le chasseur féroce, et en Allemagne Groden's heer ou Woden's heer. Woden, dans le duché de Brunswick, se retrouve sous le nom du chasseur Hakelberq. Hakelberg, seigneur de Rodenstein, était un chevalier pervers qui renonça à sa part des joies du paradis, pourvu qu'il lui fût permis de chasser toute sa vie en ce monde : le diable lui promit qu'il chasserait jusqu'au jour du jugement dernier. On montre son tombeau dans la forêt d'Usslar : c'est une énorme pierre brute, un de ces vieux monuments appelés vulgairement pierres druidiques ; nouvelle circonstance qui servirait encore à confirmer l'alliance des traditions populaires avec l'ancienne religion du pays. Selon les paysans, cette pierre est gardée par les chiens de l'enfer, qui y restent sans cesse accroupis. En l'an 1558, Hans Kirchof eut le malheur de la rencontrer par hasard ; car il faut dire que personne ne la trouve en se rendant exprès dans la forêt avec l'intention de la chercher. Hans raconte qu'à son extrême surprise, il ne vit pas les chiens, quoi qu'il avoue que ses cheveux se dressèrent sur sa tête lorsqu'il aperçut le mystérieux mausolée de ce chasseur félon.
« Le silence règne autour de la pierre de la forêt d'Usslar; mais l'esprit agité du chevalier Hakelberg, ou du démon qui a pris ce nom, est aujourd'hui tout-puissant dans le voisinage d'Oden-Wald, ou forêt d'Odin, au milieu des ruines du manoir de Rodenstein. Son apparition est un pronostic de guerre. C'est à minuit qu'il sort de la tour gardée par son armée ; les trompettes sonnent, les tambours battent ; on distingue les paroles de commandement adressées par le chef à ses soldats fantastiques ; et, si le vent souffle, on entend le frôlement des bannières ; mais, dès que la paix doit se conclure, Rodenstein retourne aux ruines de son château, sans bruit, ou à pas mesurés, et aux sons d'une musique harmonieuse.
« Rodenstein peut être évoqué, si on veut lui parler. Il y a quelques années, un garde forestier passait près de la tour à minuit ; il venait d'une orgie et avait une dose plus qu'ordinaire d'intrépidité : Rodenstein, ziche Heraus ! s'écria-t-il; Hoderstein parut avec son armée : hélas ! telle fut la violence du choc dans l'air, que le garde tomba par terre comme si un coup de vent l'avait frappé : il se releva plein d'effroi et n'osa plus répéter : Rodenstein, ziche heraus »