Jean-Marie Pradier nous apprend que :
« Ami de Jean Louis Barrault, Henri Laborit est I’un des tout premiers scientifiques à s’être intéressés à la densité organique du phénomène théâtral, en insistant sur l’extrême complexité du système biologique qui le sous-tend. L’histoire de sa participation aux travaux interdisciplinaires qui ont conduit à l’émergence de nouvelles approches du spectaculaire humain, comme l’ethnoscénologie, sonne tel un appel stimulant. »
Pradier cite notamment l’exemple suivant :
« Certains artistes lui doivent des outils utiles pour une meilleure exploration de leur pratique. C’est ainsi que Laborit a fait découvrir a [Eugenio ] Barba la notion fondamentale de niveau d’organisation, qui devint caractéristique de l’anthropologie théâtrale. Les théoriciens du spectacle vivant qui auront Iu ses textes spécialisés auront par lui été initiés à I’entremêlement dynamique des processus moléculaires qui n’ont rien de commun avec les architectures structuralistes superbement simplistes. »
« Ainsi ce que vient chercher le spectateur au théâtre c’est sans doute d’abord que l’on vienne en aide à son imaginaire déficient, qu’on lui montre ce qu’il devine sans le voir, mais aussi qu’on le déculpabilise. Il n’est pas jusqu’à la mise en scène parfois de sa médiocrité, de sa banalité qu’il n’apprécie, soit parce que c’est un alibi à être ce qu’il est, soit aussi parce qu’il se fait une image de lui-même par rapport aux autres tellement différente de ce qu’il voit exprimer sur scène, qu’il se sent soulage de voir confirmée son opinion des autres et consolidée celle qu’il se fait de lui-mêrne. Il peut reprendre le lendemain en toute quiétude sa vie quotidienne. Mais parfois aussi, au cours de cette vie quotidienne qui le frustre de ses désirs, qui l’oblige a des automatismes d’action et de pensée générateurs d’envie, qui le maintient dans un système hiérarchique dont il supporte mal la dominance qui limite ses actions, il trouve au théâtre la possibilité de projeter sur le héros ses désirs inassouvis, ses actions interdites et de se libérer, par Iui, des carcans socioculturels dans lesquels il est emprisonné, dans lesquels il ne peut agir pour réaliser son plaisir. »
« Le danger du théâtre de ce point de vue pourrait être de participer à I’intoxication mentale réalisée par les mass media en utilisant de surcroit le masque, souvent difficile à démystifier, de la référence de l’Art. Son danger serait alors de ne pas participer à la progression des structures sociales mais au contraire à leur reproduction, leur maintien, non à la disparition ou I’évolution de certains préjugés ou jugements de valeur d’une époque, mais à leur ancrage. […] on doit attendre de [l’Art] avant tout et du théâtre en particulier, à la fois une mise à nu des mécanismes les plus camouflés utilisés par cette socioculture pour se perpétuer et la proposition imaginaire et créatrice des moyens permettant de s’en libérer, on doit en attendre la possibilité d’ajouter quelque chose à la conception que l’homme a de lui-même dans une période de son histoire. »