NEANT (du latin philosophique ne ans), le non-être, la négation de l'existence. On a peine à concevoir que ce qui n'existe pas ait pu recevoir un nom dans le langage ; presque partout où il se trouve il constitue un non-sens. Le mot néant est cependant très commode dans le discours, pourvu qu'on l'entende d'une manière large et qu'on ne le prenne pas dans sa stricte signification.
Ainsi cette expression si commune : L'homme a été tiré du néant, ne doit pas être prise en ce sens que le néant serait l'origine de l'homme, ou que celui-ci aurait été formé de la négation de la substance ; ni que l'homme a passé de l'état de non-existence à l'état d'existence, car pour passer ainsi il faut déjà exister ; mais elle signifie seulement que l'homme a été amené à l'existence sans qu'aucun être préexistant ait concouru à la composition de ses facultés spirituelles ni de ses organes sensibles.
A ce sujet nous croyons devoir rapporter ici ces belles réflexions de M. Bonnetty, dans les Annales de Philosophie chrétienne, n° 110, 3è série : « Nous n'aimons guère cette définition qui nous dit que l'homme a été tiré du néant, non qu'elle ne soit exacte en elle-même, mais c'est parce qu'elle a été prise en un sens faux. En effet, l'homme, cet être qui, lorsqu'il est arrivé à un certain degré d'affaiblissement d'esprit et de coeur, cherche tous les moyens pour s'éloigner de Dieu, s'est fait du néant une espèce de divinité à laquelle il a voué tout son être. A ceux qui lui ont dit qu'il avait été tiré du néant, il a répondu : Eh bien, puisque je suis le fils du néant, je veux retourner à mon père ; et il s'est complu dans cette filiale pensée, et il a renié son Dieu, seul être universel, pour se vouer au non-être, au néant, et il s'est réjoui de cette fantastique filiation. Dans sa lâcheté et sa paresse, il s'est endormi en pensant avec délices à ce père, qui n'aura à lui demander aucun compte de sa vie. C'est là une erreur bien déplorable. A ces hommes il ne faut donc pas dire qu'ils sont sortis du néant, car cela est inexact dans le sens qu'ils y attachent ; il faut leur dire qu'ils sont sortis de la volonté de Dieu. Cette expression est bien plus exacte que l'autre, elle est plus noble pour nous, et surtout elle nous tient mieux entre les mains du pouvoir de Dieu. Il faut que l'homme sache que, sorti de la volonté de Dieu, il retombera, à la fin des temps, dans cette même volonté qui lui demandera compte de sa vie. »