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« Le "Jugement Dernier", ne peut, ne pourra se faire, QUE sur les paroles dites en tous les temps par les hommes et les responsables des diffusions qui ont conditionné le monde, au TEST du Testament du Christ qui l'a ré-digé au commencement pour qu'en Fin il s'ouvrit et con-Fonde toute la Dispersion, cette "Diaspora" "tra-issante" ou trahissante à travers l'Ordre Divin de Rassemblement. Qui, quelle religion, quelle académie, quelle initiation, s'est voulue assez large de coeur et d'esprit pour rassembler toutes les brebis égarées de la Maison d'Israël, c'est-à-dire, non pas le pays des juifs, mais la Maison de Dieu qu'est le Verbe par TOUT : IS-RA-EL : "l'Intelligence-Royale-de Dieu", contre laquelle l'homme doit "lutter", "l'emporter" (de la racine hébraïque sârôh), ce qu'est en vérité l'antique Iswara-El, cette "Agartha" invisible, enfouie dans les profondeurs de la "Terre", c'est-à-dire de l'Homme, dans ses ténèbres. »

André Bouguénec, Entretien avec l'homme, article Qui est Judas ?

 

 

 

Extraits de "L'enracinement", Simone Weil - Simone Weil

LA LIBERTE

C'est pourquoi, là où un homme est placé pour la vie à la tête de l'organisation sociale, il faut qu'il soit un symbole et non un chef, comme c'est le cas pour le roi d'Angleterre ; il faut aussi que les convenances limitent sa liberté plus étroitement que celle d'aucun homme du peuple. De cette manière, les chefs effectifs, quoique chefs, ont quelqu'un au-dessus d'eux ; d'autre part ils peuvent, sans que la continuité soit rompue, se remplacer, et par suite recevoir chacun sa part indispensable d'obéissance.

Ceux qui soumettent des masses humaines par la contrainte et la cruauté les privent à la fois de deux nourritures vitales, liberté et obéissance ; car il n'est plus au pouvoir de ces masses d'accorder leur consentement intérieur à l'autorité qu'elles subissent. Ceux qui favorisent un état de choses où l'appât du gain soit le principal mobile enlèvent aux hommes l'obéissance, car le consentement qui en est le principe n'est pas une chose qui puisse se vendre.

Mille signes montrent que les hommes de notre époque étaient depuis longtemps affamés d'obéissance. Mais on en a profité pour leur donner l'esclavage.

P.24

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La liberté d'opinion et la liberté d'association sont généralement mentionnées ensemble. C'est une erreur. Sauf le cas des groupements naturels, l'association n'est pas un besoin, mais un expédient de la vie pratique.

Au contraire, la liberté d'expression totale, illimitée, pour toute opinion quelle qu'elle soit, sans aucune restriction ni réserve, est un besoin absolu pour l'intelligence. Par suite c'est un besoin de l'âme, car quand l'intelligence est mal à l'aise, l'âme entière est malade.

P. 35

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L'INTELLIGENCE LIBRE

Il n'y a pas d'exercice collectif de l'intelligence [...]. Par suite nul groupement ne peut prétendre à la liberté d'expression, parce que nul groupement n'en a le moins du monde besoin.

Bien au contraire, la protection de la liberté de penser exige qu'il soit interdit par la loi à un groupement d'exprimer une opinion. Car lorsqu'un groupe se met à avoir des opinions, il tend inévitablement à les imposer à ses membres. Tôt ou tard les individus se trouvent empêchés, avec un degré de rigueur plus ou moins grand, sur un nombre de problèmes plus ou moins considérables, d'exprimer des opinions opposées à celles du groupe, à moins d'en sortir. Mais la rupture avec un groupe dont on est membre entraîne toujours des souffrances, tout au moins une souffrance sentimentale. Et autant le risque, la possibilité de souffrance, sont des éléments sains et nécessaires de l'action, autant ce sont choses malsaines dans l'exercice de l'intelligence. Une crainte, même légère, provoque toujours soit du fléchissement, soit du raidissement, selon le degré de courage, et il n'en faut pas plus pour fausser l'instrument de précision extrêmement délicat et fragile que constitue l'intelligence. Même l'amitié à cet égard est un grand danger. L'intelligence est vaincue dès que l'expression des pensées est précédée, explicitement ou implicitement, du petit mot « nous ». Et quand la lumière de l'intelligence s'obscurcit, au bout d'un temps assez court l'amour du bien s'égare.

La solution pratique immédiate, c'est l'abolition des partis politiques. La lutte des partis, telle qu'elle existait dans la Troisième République, est intolérable ; le parti unique, qui en est d'ailleurs inévitablement l'aboutissement, est le degré extrême du mal ; il ne reste d'autre possibilité qu'une vie publique sans partis. Aujourd'hui, pareille idée sonne comme quelque chose de nouveau et d'audacieux. Tant mieux, puisqu'il faut du nouveau. Mais en fait c'est simplement la tradition de 1789.

Pp. 40-41


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LA VERITE

Le besoin de vérité est plus sacré qu'aucun autre. Il n'en est pourtant jamais fait mention. On a peur de lire quand on s'est une fois rendu compte de la quantité et de l'énormité des faussetés matérielles étalées sans honte, même dans les livres des auteurs les plus réputés. On lit alors comme on boirait l'eau d'un puits douteux.

Il y a des hommes qui travaillent huit heures par jour et font le grand effort de lire le soir pour s'instruire. Ils ne peuvent pas se livrer à des vérifications dans les grandes bibliothèques. Ils croient le livre sur parole. On n'a pas le droit de leur donner à manger du faux. Quel sens cela a-t-il d'alléguer que les auteurs sont de bonne foi ? Eux ne travaillent pas physiquement huit heures par jour. La société les nourrit pour qu'ils aient le loisir et se donnent la peine d'éviter l'erreur. Un aiguilleur cause d'un déraillement serait mal accueilli en alléguant qu'il est de bonne foi.

A plus forte raison est-il honteux de tolérer l'existence de journaux dont tout le monde sait qu'aucun collaborateur ne pourrait y demeurer s'il ne consentait parfois à altérer sciemment la vérité.

P. 53


Mais qui garantit l'impartialité des juges ? Objectera-t-on. La seule garantie, en dehors de leur indépendance totale, c'est qu'ils soient issus de milieux sociaux très différents, qu'ils soient naturellement doués d'une intelligence étendue, claire et précise, et qu'ils soient formés dans une école où ils reçoivent une éducation non pas juridique, mais avant tout spirituelle, et intellectuelle en second lieu. Il faut qu'ils s'y accoutument à aimer la vérité.

P. 57

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L'ENRACINEMENT

L'enracinement est peut-être le besoin le plus important et le plus méconnu de l'âme humaine. C'est un des plus difficiles à définir. Un être humain a une racine par sa participation réelle, active et naturelle à l'existence d'une collectivité qui conserve vivants certains trésors du passé et certains pressentiments d'avenir.

. 61

Il y a déracinement toutes les fois qu'il y a conquête militaire, et en ce sens la conquête est presque toujours un mal. Le déracinement est au minimum quand les conquérants sont des migrateurs qui s'installent dans le pays conquis, se mélangent à la population et prennent racine eux-mêmes. Tel fut le cas des Hellènes en Grèce, des Celtes en Gaule, des Maures en Espagne. Mais quand le conquérant reste étranger au territoire dont il est devenu possesseur, le déracinement est une maladie presque mortelle pour les populations soumises. [...] Même sans conquête l'argent et la domination économique peuvent imposer une influence étrangère au point de provoquer la maladie du déracinement.

Enfin les relations sociales à l'intérieur d'un même pays peuvent être des facteurs très dangereux de déracinement. Dans nos contrées, de nos jours, la conquête mise à part, il y a deux poisons qui propagent cette maladie. L'un est l'argent. L'argent détruit les racines partout où il pénètre, en remplaçant tous les mobiles par le désir de gagner. Il l'emporte sans peine sur les autres mobiles parce qu'il demande un effort d'attention tellement moins grand. Rien n'est si clair et si simple qu'un chiffre.

P. 63

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Le déracinement est de loin la plus dangereuse maladie des sociétés humaines, car il se multiplie lui-même. Des êtres vraiment déracinés n'ont guère que deux comportements possibles : ou ils tombent dans une inertie de l'âme presque équivalente à la mort, comme la plupart des esclaves au temps de l'Empire romain, ou ils se jettent dans une activité tendant toujours à déraciner, souvent par les méthodes les plus violentes, ceux qui ne le sont pas encore ou ne le sont qu'en partie. [...] Qui est enraciné ne déracine pas.

Pp. 66-67

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La destruction du passé est peut-être le plus grand crime. Aujourd'hui, la conservation du peu qui reste devrait devenir presque une idée fixe. [...]

Cela ne signifie pas [...] confiner. Jamais au contraire l'aération n'a été plus indispensable. L'enracinement et la multiplication des contacts sont complémentaires.

P. 72

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On ne peut pas chercher dans les revendications des ouvriers le remède à leur malheur. Plongés dans le malheur corps et âme, y compris l'imagination, comment imagineraient-ils quelque chose qui n'en porte pas la marque ? S'ils font un violent effort pour s'en dégager, ils tombent dans des rêveries apocalyptiques, ou cherchent une compensation dans un impérialisme ouvrier qui n'est pas plus à encourager que l'impérialisme national.

Ce qu'on peut chercher dans leurs revendications, c'est le signe de leurs souffrances. Or les revendications expriment toutes ou presque la souffrance du déracinement. S'ils veulent le contrôle de l'embauche et la nationalisation, c'est qu'ils sont obsédés par la peur du déracinement total, du chômage.

P.73
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Si l'on habitue les enfants à ne pas penser à Dieu, ils deviendront fascistes ou communistes par besoin de se donner à quelque chose.

On voit plus clairement ce que la justice exige en ce domaine quand on a remplacé la notion de droit par celle d'obligation liée au besoin. Une âme jeune qui s'éveille à la pensée a besoin du trésor amassé par l'espèce humaine au cours des siècles. On fait tort à un enfant quand on l'élève dans un christianisme étroit qui l'empêche de jamais devenir capable de s'apercevoir qu'il y a des trésors d'or pur dans les civilisations non chrétiennes. L'éducation laïque fait aux enfants un tort plus grand. Elle dissimule ces trésors, et ceux du christianisme en plus.

La seule attitude à la fois légitime et pratiquement possible que puisse avoir, en France, l'enseignement public à l'égard du christianisme consiste à le regarder comme un trésor de la pensée humaine parmi tant d'autres. Il est absurde au plus haut point qu'un bachelier français ait pris connaissance de poèmes du Moyen Age, de Polyeucte, d'Athalie, de Phèdre, de Pascal, de Lamartine, de doctrines philosophiques imprégnées de christianisme comme celles de Descartes et de Kant, de la Divine Comédie ou du Paradise Lost, et qu'il n'ait jamais ouvert la Bible.

Il n'y aurait qu'à dire aux futurs instituteurs et aux futurs professeurs : la religion a eu de tout temps et en tout pays, sauf tout récemment en quelques endroits de l'Europe, un rôle dominant dans le développement de la culture, de la pensée, de la civilisation humaine. Une instruction dans laquelle il n'est jamais question de religion est une absurdité. D'autre part, de même qu'en histoire on parle beaucoup de la France aux petits Français, il est naturel qu'étant en Europe, si l'on parle de religion, il s'agisse avant tout du christianisme.

En conséquence, il faudrait inclure dans l'enseignement de tous les degrés, pour les enfants déjà un peu grands, des cours qu'on pourrait étiqueter, par exemple, histoire religieuse. On ferait lire aux enfants des passages de l'Ecriture, et par-dessus tout l'Évangile. On commenterait dans l'esprit même du texte, comme il faut toujours faire.

Pp. 119 à 121

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Une pensée religieuse est authentique quand elle est universelle par son orientation. (Ce n'est pas le cas du judaïsme, qui est lié à une notion de race.)

P. 121

Nota : Prendre ce qui est universel dans le judaïsme

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SPIRITUALITE DU TRAVAIL, POLLUEE PAR L'USURPATION

La forme contemporaine de la grandeur authentique, c'est une civilisation constituée par la spiritualité du travail. C'est une pensée qu'on peut lancer en avant sans risquer aucune désunion. Le mot de spiritualité n'implique aucune affiliation particulière. Les communistes eux-mêmes, dans l'atmosphère actuelle, ne le repousseraient sans doute pas. Il serait facile d'ailleurs de trouver dans Marx des citations qui se ramènent toutes au reproche de manque de spiritualité adressé à la société capitaliste ; ce qui implique qu'il doit y en avoir dans la société nouvelle. Les conservateurs n'oseraient pas repousser cette formule. Les milieux radicaux, laïques, francs-maçons, non plus. Les chrétiens s'en empareraient avec joie. Elle pourrait susciter l'unanimité.

Mais on ne peut toucher à une telle formule qu'en tremblant. Comment y toucher sans la souiller, sans en faire un mensonge ? Notre époque est tellement empoisonnée de mensonge qu'elle change en mensonge tout ce qu'elle touche. Et nous sommes de notre époque ; nous n'avons aucune raison de nous croire meilleurs qu'elle.

[...]

Une civilisation constituée par une spiritualité du travail serait le plus haut degré d'enracinement de l'homme dans l'univers, par suite l'opposé de l'état où nous sommes.

Pp. 127-128

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DERACINEMENT ET NATION

Mais de nouveau, plus on est attaché à ces milieux non nationaux, plus on veut conserver la liberté nationale, car de telles relations par-dessus les frontières n'ont pas lieu pour les populations asservies. C'est ainsi que les échanges de culture entre pays méditerranéens ont été incomparablement plus intenses et plus vivants avant qu'après la conquête romaine, alors que tous ces pays, réduits au malheureux état de provinces, sont tombés dans une morne uniformité. Il n'y a échange que si chacun conserve son génie propre, et cela n'est pas possible sans liberté.

P.208


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Le devoir le plus évident de l'État, c'est de veiller efficacement en tout temps à la sécurité du territoire national. La sécurité ne signifie pas l'absence de danger, car dans ce monde le danger est toujours là, mais une chance raisonnable de se tirer d'affaire en cas de crise. Mais ce n'est là que le devoir le plus élémentaire de l'État. S'il ne fait que cela, il ne fait rien, car s'il ne fait que cela il ne peut pas même y réussir.

Il a le devoir de faire de la patrie, au degré le plus élevé possible, une réalité. Elle n'était pas une réalité pour beaucoup de Français en 1939. Elle l'est redevenue par la privation. Il faut qu'elle le demeure dans la possession, et pour cela il faut qu'elle soit réellement, en fait, fournisseuse de vie, qu'elle soit réellement un terrain d'enracinement. Il faut aussi qu'elle soit un cadre favorable pour la participation et l'attachement fidèle à toute espèce de milieux autres qu'elle-même.

P. 210

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Chez des exilés qui n'oublient pas leur pays - et ceux qui l'oublient sont perdus - le coeur est si irrésistiblement tourné vers la patrie malheureuse qu'il y a peu de ressources affectives pour l'amitié à l'égard du pays qu'on habite. Cette amitié ne peut pas vraiment germer et pousser dans leur coeur s'ils ne se font pas une sorte de violence. Mais cette violence est une obligation.

P. 262

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LA POLITIQUE

Elle pourrait être définie comme étant la direction de conscience à l'échelle d'un pays.

Le mode d'action politique esquissé ici exige que chaque choix soit précédé par la contemplation simultanée de plusieurs considérations d'espèce très différente. Cela implique un degré d'attention élevé, à peu près du même ordre que celui qui est exigé par le travail créateur dans l'art et la science.

pourquoi la politique, qui décide du destin des peuples et a pour objet la justice, exigerait-elle une attention moindre que l'art et la science, qui ont pour objet le beau et le vrai ?

La politique a une affinité très étroite avec l'art ; avec des arts tels que la poésie, la musique, l'architecture.

La composition simultanée sur plusieurs plans, est la loi de la création artistique et en fait la difficulté.

Un poète, dans l'arrangement des mots et le choix de chaque mot, doit tenir compte simultanément de cinq ou six plans de composition au moins. Les règles de la versification - nombre de syllabes et rimes - dans la forme de poème qu'il a adoptée ; la coordination grammaticale des mots ; leur coordination logique à l'égard du développement de la pensée ; la suite purement musicale des sons contenus dans les syllabes ; le rythme pour ainsi dire matériel constitué par les coupes, les arrêts, la durée de chaque syllabe et de chaque groupe de syllabes ; l'atmosphère que mettent autour de chaque mot les possibilités de suggestion qu'il enferme, et le passage d'une atmosphère à une autre à mesure que les mots se succèdent ; le rythme psychologique constitué par la durée des mots correspondant à telle atmosphère ou à tel mouvement de la pensée ; les effets de la répétition et de la nouveauté ; sans doute d'autres choses encore et une intuition unique de beauté donnant une unité à tout cela.

L'inspiration est une tension des facultés de l'âme qui rend possible le degré d'attention indispensable à la composition sur plans multiples.

Celui qui n'est pas capable d'une telle attention en recevra un jour la capacité, s'il s'obstine avec humilité, persévérance et patience, et s'il est poussé par un désir inaltérable et violent.

S'il n'est pas la proie d'un tel désir, il n'est pas indispensable qu'il fasse des vers.

La politique, elle aussi, est, un art gouverné par la composition sur plans multiples. Quiconque se trouve avoir des responsabilités politiques, s'il a en lui la faim et la soif de la justice, doit désirer recevoir cette faculté de composition sur plans multiples, et par suite doit infailliblement la recevoir avec le temps.

[...]

Autant le langage humain est loin de la beauté divine, autant les facultés sensibles et intellectuelles des hommes sont loin de la vérité, autant les nécessités de la vie sociale sont loin de la justice. Par suite, il n'est pas possible que la politique n'ait pas besoin d'efforts d'invention créatrice autant que l'art et la science.

[...]


Une méthode d'éducation n'est pas grand-chose si elle n'a pas pour inspiration la conception d'une certaine perfection humaine. Quand il s'agit de l'éducation d'un peuple, cette conception doit être celle d'une civilisation. Il ne faut pas la chercher dans le passé, qui ne contient que de l'imparfait. Bien moins encore dans nos rêves d'avenir, qui sont par nécessité aussi médiocres que nous-mêmes, et par suite de très loin inférieurs au passé. Il faut chercher l'inspiration d'une telle éducation, comme la méthode elle-même, parmi les vérités éternellement inscrites dans la nature des choses.

Pp. 273-278


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LES GAULOIS

Les Romains ont, dit-on, civilisé la Gaule. Elle n'avait pas d'art avant l'art gallo-romain ; pas de pensée avant que les Gaulois n'eussent le privilège de lire les écrits philosophiques de Cicéron ; et ainsi de suite.

Nous ne savons pour ainsi dire rien sur la Gaule, mais les indications presque nulles que nous possédons prouvent assez que tout cela est du mensonge.

L'art gaulois ne risque pas d'être l'objet de mémoires de la part de nos archéologues, parce que la matière en était le bois. Mais la ville de Bourges était une si pure merveille de beauté que les Gaulois perdirent leur dernière campagne faute d'avoir le courage de la détruire eux-mêmes. Bien entendu, César la détruisit, et massacra du même coup la totalité des quarante mille êtres humains qui s'y trouvaient.

On sait par César que les études des Druides duraient vingt ans et consistaient à apprendre par coeur des poèmes concernant la divinité et l'univers. La poésie gauloise contenait donc en tout cas une quantité de poèmes religieux et métaphysiques telle qu'elle constituait la matière de vingt ans d'études. A côté de l'incroyable richesse suggérée par cette seule indication, la poésie latine, malgré Lucrèce, est quelque chose de misérable.

Diogène Laërce dit qu'une tradition attribuait à la sagesse grecque plusieurs origines étrangères, parmi lesquelles les Druides de Gaule. D'autres textes indiquent que la pensée des Druides s'apparentait à celle des Pythagoriciens.

Ainsi il y avait dans ce peuple une mer de poésie sacrée dont les œuvres de Platon peuvent seules nous permettre de nous représenter l'inspiration.

Tout cela disparut quand les Romains exterminèrent, pour crime de patriotisme, la totalité des Druides.

Il est vrai que les Romains ont mis fin aux sacrifices humains pratiqués, disaient-ils, en Gaule.

Nous ne savons rien sur ce qu'ils étaient, sur la manière et l'esprit dans lesquels ils étaient pratiqués, si c'était un mode d'exécution des criminels ou une mise à mort d'innocents et, en ce dernier cas, si c'était avec consentement ou non. Le témoignage des Romains est très vague et ne saurait être admis sans méfiance. Mais ce que nous savons avec certitude, c'est que les Romains ont institué eux-mêmes en Gaule et partout la mise à mort de milliers d'innocents, non pas pour honorer les dieux, mais pour amuser les foules. C'était l'institution romaine par excellence, celle qu'ils transportaient partout ; eux que nous osons regarder comme des civilisateurs.

Néanmoins si l'on disait publiquement que la Gaule d'avant la conquête était beaucoup plus civilisée que Rome, cela sonnerait comme une absurdité.

C'est là simplement un exemple caractéristique. Bien qu'à la Gaule ait succédé sur le même sol une nation qui est la nôtre, bien que le patriotisme ait chez nous comme ailleurs une forte tendance à s'étendre dans le passé, bien que le peu de documents conservés constitue un témoignage irrécusable, la défaite des armées gauloises est un obstacle insurmontable à ce que nous reconnaissions la haute qualité spirituelle de cette civilisation détruite.

P. 281

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LE MARTYRS

Cela exclut, par exemple, saint Louis lui-même, à cause du fâcheux conseil donné à ses amis, de plonger leur épée au ventre de quiconque tiendrait en leur présence des propos entachés d'hérésie ou d'incrédulité.

On dira, il est vrai, pour l'excuser, que c'était l'esprit de son temps, lequel, étant situé sept siècles avant le nôtre, était obnubilé en proportion. C'est un mensonge. Peu avant saint Louis, les catholiques de Béziers, loin de plonger leur épée dans le corps des hérétiques de leur ville, sont tous morts plutôt que de consentir à les livrer. L'Église a oublié de les mettre au rang des martyrs, rang qu'elle accorde à des inquisiteurs punis de mort par leurs victimes. Les amateurs de la tolérance, des lumières et de la laïcité, au cours des trois derniers siècles, n'ont guère commémoré ce souvenir non plus, une forme aussi héroïque de la vertu qu'ils nomment platement tolérance aurait été gênante pour eux.

P. 288-289


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LA SUPERSTITION CRIMINOGENE DU PROGRES

La superstition moderne du progrès est un sous-produit du mensonge par lequel on a fait du christianisme la religion romaine officielle ; elle est liée à la destruction des trésors spirituels des pays conquis par Rome, à la dissimulation de la parfaite continuité entre ces trésors et le christianisme, à une conception historique de la Rédemption, qui en fait une opération temporelle et non éternelle. La pensée du progrès a été plus tard laïcisée ; elle est maintenant le poison de notre époque. En posant que l'inhumanité était au XIVème siècle une grande et bonne chose, mais une horreur au XIXème, pouvait-on empêcher un petit gars du XXème siècle, amateur de lectures historiques, de se dire : « Je sens en moi-même que maintenant l'époque où l'humanité était une vertu est finie et que l'époque de l'inhumanité revient »? Qui interdit d'imaginer une succession cyclique au lieu d'une ligne continue? Le dogme du progrès déshonore le bien en en faisant une affaire de mode.

C'est d'ailleurs seulement parce que l'esprit historique consiste à croire les meurtriers sur parole que ce dogme semble si bien répondre aux faits. Quand par moments l'horreur arrive à percer la sensibilité épaisse d'un lecteur de Tite-Live, il se dit :« C'étaient les mœurs de l'époque. » Or on sent l'évidence dans les historiens grecs que la brutalité des Romains a horrifié et paralysé leurs contemporains exactement comme fait aujourd'hui celle des Allemands.

P. 290

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LA FRANCE

En supposant quelque exactitude dans cette énumération, cela ne signifierait pas qu'il ne faille pas lire le reste, mais qu'il faut le lire sans croire y trouver le génie de la France. Le génie de la France ne réside que dans ce qui est pur.

On a absolument raison de dire que c'est un génie chrétien et hellénique. C'est pourquoi il serait légitime de donner une part bien moindre dans l'éducation et la culture des Français aux choses spécifiquement françaises qu'à l'art roman, au chant grégorien, à la poésie liturgique et à l'art, à la poésie, à la prose des Grecs de la bonne époque.

Là on peut boire à flots de la beauté absolument pure à tous égards.

Il est malheureux que le grec soit regardé comme une matière d'érudition pour spécialistes. Si l'on cessait de subordonner l'étude du grec à celle du latin, et si l'on cherchait seulement à rendre un enfant capable de lire facilement et avec plaisir un texte grec facile avec une traduction à côté, on pourrait diffuser une légère connaissance du grec très largement, même en dehors du secondaire. Tout enfant un peu doué pourrait entrer en contact direct avec la civilisation où nous avons puisé les notions mêmes de beauté, de vérité et de justice.

P. 298


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HITLER, MARX ET L'INDIVIDU LAMBDA FACE A LA SCIENCE ET LA JUSTICE

C'est ce qui apparaît dans un passage de Mein Kampf : « L'homme ne doit jamais tomber dans l'erreur de croire qu'il est seigneur et maître de la nature... Il sentira dès lors que dans un monde où les planètes et les soleils suivent des trajectoires circulaires, où des lunes tournent autour des planètes, où la force règne partout et seule en maîtresse de la faiblesse, qu'elle contraint à la servir docilement ou qu'elle brise, l'homme ne peut pas relever de lois spéciales. »

Ces lignes expriment d'une manière irréprochable la seule conclusion qu'on puisse raisonnablement tirer de la conception du monde enfermée dans notre science. La vie entière d'Hitler n'est que la mise en œuvre de cette conclusion. Qui peut lui reprocher d'avoir mis en œuvre ce qu'il a cru reconnaître pour vrai ? Ceux qui, portant en eux les fondements de la même croyance, n'en ont pas pris conscience et ne l'ont pas traduite en actes, n'ont échappé au crime que faute de posséder une certaine espèce de courage qui est en lui.

[...]

Hitler a très bien vu l'absurdité de la conception du XVIIIème siècle encore en faveur aujourd'hui, et qui d'ailleurs a déjà sa racine dans Descartes. Depuis deux ou trois siècles on croit à la fois que la force est maîtresse unique de tous les phénomènes de la nature, et que les hommes peuvent et doivent fonder sur la justice, reconnue au moyen de la raison, leurs relations mutuelles. C'est une absurdité criante. Il n'est pas concevable que tout dans l'univers soit absolument soumis à l'empire de la force et que l'homme puisse y être soustrait, alors qu'il est fait de chair et de sang et que sa pensée vagabonde au gré des impressions sensibles.

[...]

II n'y a qu'un choix à faire. Ou il faut apercevoir à l'œuvre dans l'univers, à côté de la force, un principe autre qu'elle, ou il faut reconnaître la force comme maîtresse unique et souveraine des relations humaines aussi.

le premier cas, on se met en opposition radicale avec la science moderne telle qu'elle a été fondée par Galilée, Descartes et plusieurs autres, poursuivie au XVIIIème siècle, notamment par Newton, au XIXème, au XXème. Dans le second, on se met en opposition radicale avec l'humanisme qui a surgi à la Renaissance, qui a triomphé en 1789, qui, sous une forme considérablement dégradée, a servi d'inspiration à toute la IIIème République.

La philosophie qui a inspiré l'esprit laïque et la politique radicale est fondée à la fois sur cette science et sur cet humanisme, qui sont, on le voit, manifestement incompatibles. On ne peut donc pas dire que la victoire d'Hitler sur la France de 1940 ait été la victoire d'un mensonge sur une vérité. Un mensonge incohérent a été vaincu par un mensonge cohérent.

[...]


Le marxisme n'est que la croyance en un mécanisme de ce genre. Là, la force est baptisée histoire ; elle a pour forme la lutte des classes ; la justice est rejetée dans un avenir qui doit être précédé d'une espèce de catastrophe apocalyptique.


[...]

Si la force est absolument souveraine, la justice est absolument irréelle. Mais elle ne l'est pas. Nous le savons expérimentalement. Elle est réelle au fond du coeur des hommes. La structure d'un coeur humain est une réalité parmi les réalités de cet univers, au même titre que la trajectoire d'un astre.

[...]


Si la justice est ineffaçable au coeur de l'homme, elle a une réalité en ce monde. C'est la science alors qui a tort.

[...]

Pp. 302-307


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SCIENCE, PENSEE INITIATIQUE ET RELIGION


Or cette science [grecque antique], aussi scientifique que la nôtre ou davantage, n'était absolument pas matérialiste. Bien plus, ce n'était pas une étude profane. Les Grecs la regardaient comme une étude religieuse.

Les Romains tuèrent Archimède. Peu après ils tuèrent la Grèce, comme les Allemands, sans l'Angleterre, auraient tué la France. La science grecque disparut complètement. Dans la civilisation romaine il n'en subsista rien. Si le souvenir en fut transmis au Moyen Age, ce fut avec la pensée dite gnostique, dans des milieux initiatiques. Même en ce cas, il semble bien qu'il y ait eu seulement conservation et non continuation créatrice ; excepté peut-être en ce qui concerne l'alchimie, dont on sait si peu de choses.

[...]

Chez les chrétiens, l'incompatibilité absolue entre l'esprit de la religion et l'esprit de la science, qui ont l'un et l'autre leur adhésion, loge dans l'âme en permanence un malaise sourd et inavoué. Il peut être presque insensible ; il est selon les cas plus ou moins sensible ; il est, bien entendu, à peu près toujours inavoué. Il empêche la cohésion intérieure. Il s'oppose à ce que la lumière chrétienne imprègne toutes les pensées.

[...]

Le phénomène moderne de l'irréligiosité du peuple s'explique presque entièrement par l'incompatibilité entre la science et la religion. Il s'est développé quand on a commencé à installer le peuple des villes dans un univers artificiel, cristallisation de la science. En Russie, la transformation a été hâtée par une propagande qui, pour déraciner la foi, s'appuyait presque entièrement sur l'esprit de la science et de la technique. Partout, après que le peuple des villes fut devenu irréligieux, le peuple des campagnes, rendu influençable par son complexe d'infériorité à l'égard des villes, a suivi, bien qu'à un degré moindre. [...]. C'est presque uniquement la science qui a vidé les églises.

[...]

L'existence de la science donne mauvaise conscience aux chrétiens. Peu d'entre eux osent être certains que, s'ils partaient de zéro et s'ils considéraient tous les problèmes en abolissant toute préférence, dans un esprit d'examen absolument impartial, le dogme chrétien leur apparaîtrait comme étant manifestement et totalement la vérité.

Cette incertitude devrait relâcher leurs liens avec la religion ; il n'en est pas ainsi, et ce qui empêche qu'il en soit ainsi, c'est que la vie religieuse leur fournit quelque chose dont ils ont besoin. Ils sentent plus ou moins confusément eux-mêmes qu'ils sont attachés à la religion par un besoin.

Pp. 311-313



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TENEBRES DE LA MEDIOCRITE

Même le jugement, dans l'Évangile, apparaît comme quelque chose d'impersonnel : « Celui qui croit en lui n'est pas jugé ; celui qui ne croit pas est déjà jugé. Ceci est le jugement : ... quiconque fait des choses médiocres hait la lumière ; ... celui qui fait la vérité vient vers la lumière. » (Jean, 3, 18.)

« Comme j'entends, je juge et mon jugement est juste. »(Jean, 5, 30.)

P. 333

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AMASSER DES TRESORS DANS LE CIEL

Le vide attire la grâce. Les efforts à vide constituent l'opération que le Christ appelle « amasser des trésors dans le ciel ».

P. 334

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ATTENTE D'UNE "PHYSIQUE SURNATURELLE"

On pourrait trouver dans les Évangiles, quoi qu'ils ne nous aient transmis qu'une faible partie des enseignements du Christ, ce qu'on pourrait nommer une physique surnaturelle de l'âme humaine. Comme toute doctrine scientifique, elle ne contient que des choses clairement intelligibles et expérimentalement vérifiables. Seulement la vérification est constituée par la marche vers la perfection, et par suite il faut croire sur parole ceux qui l'ont accomplie. Mais nous croyons bien sur parole et sans contrôle ce que nous disent les savants de ce qui se passe dans leurs laboratoires, bien que nous ignorions s'ils aiment la vérité. Il serait plus juste de croire sur parole les saints, du moins ceux qui sont authentiques, car il est certain qu'ils aiment parfaitement la vérité.

P. 334

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ASCETISME ANTISOCIAL CONTRE BON SENS (légende hindoue)


Une anecdote hindoue raconte qu'un ascète, après quatorze ans de solitude, revint voir sa famille. Son frère lui demanda ce qu'il avait acquis. Il l'emmena jusqu'à un fleuve et le traversa à pied sous ses yeux. Le frère héla le passeur, traversa en barque, paya un sou, et dit à l'ascète : « Cela vaut-il la peine d'avoir fait quatorze ans d'efforts pour acquérir ce que je peux me procurer pour un sou? » C'est l'attitude du bon sens.

P. 337

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HISTOIRE DES HEBREUX

Les hébreux, ces esclaves fugitifs [...]

P. 344


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LES ROMAINS HAÏSSAIENT LA VIE SPIRITUELLE

L'autre exception était relative à la vie spirituelle. Les Romains ne pouvaient rien tolérer qui fût riche en contenu spirituel. L'amour de Dieu est un feu dangereux dont le contact pouvait être funeste à leur misérable divinisation de l'esclavage. Aussi ont-ils impitoyablement détruit la vie spirituelle sous toutes ses formes. Ils ont très cruellement persécuté les Pythagoriciens et tous les philosophes affiliés à des traditions authentiques. Soit dit en passant, il est extrêmement mystérieux qu'une éclaircie ait permis une fois à un stoïcien véritable, d'inspiration grecque et non romaine, de monter sur le trône ; et le mystère est redoublé par le fait qu'il a maltraité les chrétiens. Ils ont exterminé tous les Druides de Gaule ; anéanti les cultes égyptiens ; noyé dans le sang et déshonoré par d'ingénieuses calomnies l'adoration de Dionysos. On sait ce qu'ils ont fait des chrétiens au début.

Pourtant ils se sentaient mal à l'aise dans leur idolâtrie trop grossière.

P. 347

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LA PESANTEUR ET LA GRACE SONT VISIBLES DANS LA NATURE

Un infiniment petit, dans certaines conditions, opère d'une manière décisive. Il n'est pas de masse si lourde qu'un point ne lui soit égal, car une masse ne tombe pas si l'on en soutient un seul point, à condition que ce point soit le centre de gravité. Certaines transformations chimiques ont pour condition l'opération de bactéries presque invisibles. Les catalyseurs sont d'imperceptibles fragments de matière dont la présence est indispensable à d'autres transformations chimiques. D'autres fragments minuscules, de composition presque identique, ont par leur présence une vertu non moins décisive d'inhibition ; sur ce mécanisme est fondée la plus puissante des médications récemment découvertes.

Ainsi ce n'est pas seulement la mathématique, c'est la science entière qui, sans que nous songions à le remarquer, est un miroir symbolique des vérités surnaturelles.

P. 369

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SCIENCE DE L'AME ET SCIENCE POLITIQUE

La science de l'âme et la science sociale sont l'une et l'autre tout à fait impossibles si la notion de surnaturel n'est pas rigoureusement définie et introduite dans la science, à titre de notion scientifique, pour y être maniée avec une extrême précision.
Si les sciences de l'homme étaient ainsi fondées par des méthodes d'une rigueur mathématique, et maintenues en même temps en liaison avec la foi ; Si dans les sciences de la nature et la mathématique l'interprétation symbolique reprenait la place qu'elle avait jadis ; l'unité de l'ordre établi dans cet univers apparaîtrait dans sa souveraine clarté.

L'ordre du monde, c'est la beauté du monde. Seul diffère la régime de l'attention, selon qu'on essaie de concevoir les relations nécessaires qui le composent ou d'en contempler l'éclat.

C'est une seule et même chose qui relativement à Dieu est Sagesse éternelle, relativement à l'univers parfaite obéissance, relativement à notre amour beauté, relativement à notre intelligence équilibre de relations nécessaires, relativement à notre chair force brutale.

Aujourd'hui, la science, l'histoire, la politique, l'organisation du travail, la religion même pour autant qu'elle est marquée de la souillure romaine, n'offrent à la pensée des hommes que la force brutale. Telle est notre civilisation. Cet arbre porte les fruits qu'il mérite.

Le retour à la vérité ferait apparaître entre autres choses la vérité du travail physique.

Pp. 372-373

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LE SACRE ET LE PROFANE DOIVENT S'INTERPENETRER

La lutte acharnée et victorieuse de saint Bernard contre Abélard montre qu'il s'en fallait de beaucoup. Au début du XIIIème siècle la civilisation encore à venir fut détruite par l'anéantissement de son principal foyer, c'est-à-dire les pays du sud de la Loire, par l'établissement de l'Inquisition, et par l'étouffement de la pensée religieuse sous la notion d'orthodoxie.

La notion d'orthodoxie, en séparant rigoureusement le domaine relatif au bien des âmes, qui est celui d'une soumission inconditionnée de la pensée à une autorité extérieure, et le domaine relatif aux choses dites profanes, dans lequel l'intelligence est libre, rend impossible cette pénétration mutuelle du religieux et du profane qui serait l'essence d'une civilisation chrétienne. C'est vainement que tous les jours, à la messe, un peu d'eau est mélangée au vin.

P. 376

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P. 377, Simone Weil parle de réintégration de l'homme après sa chute. Martiniste ?


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Tous ces extraits (à part les titres qui sont de nous) sont tirés de l'édition Gallimard, Folio Essai, publiée en 1999